L ‘ECRITURE, LES CASSEROLES, LES AMIS, LE SEL, LE CITRON ET LA SAUCE SOJA.
Elle disait d’elle_même qu’elle était « mondiale« .
Elle avait raison.
Ce livre de recettes, hors du commun, aux éditions Benoît Jacob, nous permet de découvrir l’écrivaine, dans sa cuisine, aux prises avec une passion humaine, très humaine: cuisiner. Et cuisiner pour les autres. On l’imagine, on la voit, cigarette au bec, dans sa maison de Neauphle-Le-Château, dans les Yvelines, s’affairant au milieu des plats, des ingrédients minutieusement choisis, savourant à l’avance le plaisir qu’auront ses convives en goûtant « les boulettes sans nom », « la salade chinoise », ou « La morue à la mode de Maria ».
On l’aura compris, un livre de recettes écrit par Marguerite Duras, n’est pas une simple liste d’idées, de recommandations. Entrer dans ce livre, c’est déjà entendre la voix insolite de l’écrivaine. On est à Neauphle, on est en Indochine. Parce que cuisiner pour ceux que l’on aime, c’est jeter une bouteille à la mer. Comme écrire. C’est affronter le silence. Traverser la solitude. Oui, c’est cela aussi, la cuisine de Marguerite.
Voilà, elle a dressé une jolie table pour ses amis partis marcher dans la campagne avoisinante. Elle examine la cuisson. Ce n’est pas seulement cuisiner, manger, cette fonction vitale, c’est surtout une façon de voir la vie.
Au détour des pages, l’écrivaine fustige la mal-bouffe, elle épingle une France munie de « Cuisines très perfectionnées où on ne mange que des steaks frites surgelés, et steaks tout court, toute l’année ».
Entrer dans ce livre, c’est entendre la voix de Marguerite Duras, c’est entrer dans sa maison, dans sa mémoire.

BOUQUET GARNI
La cuisine de Marguerite foisonne d’ingrédients particuliers, par exemple l’antidote au désespoir, une façon de concevoir l’existence, en fonction du nombre de citrons, de bouteilles d’huile ou de sauce indochinoise.
Avec sa façon de s’adresser directement à nous » Vous avez compris qu’il faut garder au plat son caractère pauvre », dans « Plat d’hiver, Dublin Coddle », Marguerite se rend présente à nous, observant notre façon de faire revenir les lardons ou de lier le lait frais entier avec la noix de coco râpée.
Elle cuisine. Elle se souvient de sa mère, elle regrette le piano, et pour conclure, nous sert le menu royal en dissertant sur les poubelles de Madame Dodin « c’est le chant, qu’on le veuille ou non, de l’irréductible communauté organique des hommes de son temps ». Ou comment se nourrir en philosophant sur « Le ventre originel » et nos communes finitudes.
Qui a dit « Un simple livre de recettes »?
Pour Marguerite, la cuisine c’est aussi celle de l’enfance, de l’Indochine. Ici, sur le Mékong, la nuit, on passe le bac avec sa mère qui achète ces inoubliables soupes de canard qui envoûtent les palais avec ce gout de saumure, et à la page suivante, on s’enivre des parfums du fleuve et des feux de broussailles. Cuisiner, c’est là, au milieu des souvenirs. C’est enfoui et ça vous renverse soudainement, assis à une table, ou devant des fourneaux.
Magnifique livre où le raffinement de la mise en page rivalise avec un graphisme sobre.
Rendons hommage à la fine équipe en cuisine, pour le suivi éditorial de Jean Mascolo et de Michèle Kastner, les textes rassemblés par la même Michèle Kastner, les photos de Catherine Faux et de Jean Mascolo, et le logo des editions Benoît Jacob, dessiné par la peintre Michèle Laverdac.
A table!
LA CUISINE DE MARGUERITE
EDITIONS BENOÎT JACOB
9 Euros
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