GAZA, ORDRE D’ABANDON

Un historien à Gaza

Jean_Pierre Filiu

Editions Les Arènes

19 euros

Valeur universelle de l’humanité

En vérité, je n’ai aucune envie d’écrire une chronique sur ce livre.

J’ai envie que vous le lisiez. J’ai envie que ce livre devienne obsolète (Pardon, Jean-Pierre Filiu!), qu’il soit un document brûlant de ce qui fut et de ce qui jamais, plus jamais dit_on, n’adviendra.

Lui, l’auteur, l’historien, chroniqueur dans « Le Monde » d’ »un si proche Orient », Gaza, la Palestine, il s’y rend régulièrement depuis des années. Ce territoire, c’est intimement qu’il le connaît.

Avec « Un historien à Gaza », il témoigne de ce que signifie « Vous avez voulu l’enfer, vous aurez l’enfer », dixit Benjamin Netanyahou.

Pendant plus d’un mois, Jean-Pierre Filiu vit dans la bande de Gaza. ça se passe en Décembre 2024.

Il vit avec ceux qui y survivent, avec ceux qui subissent ce qui pourrait sembler pire que la mort.

Jean_Pierre Filiu, tout au long des pages, nous redit sans cesse la valeur universelle de l’humanité.

De ce peuple torturé, mutilé, pris entre les bourreaux des deux bords; l’armée israélienne et le Hamas. Un peuple qui reste digne.

Donc, je n’ai rien à ajouter. Après cette lecture, écrire une chronique devient étrange. Et pourtant, demeure ce désir de transmettre, de vous enjoindre à lire ce témoignage.

Je saisis ici, quelques extraits.

LA ZONE

 » Plus d’un millier de personnes sont désormais acculées à Mawasi, une bande côtière d’une quinzaine de kilomètres qu’Israël définit comme « une zone humanitaire » supposée être sûre. Mawassi n’était au début de ce siècle qu’un village d’un millier d’habitants, encerclé par les colonies israéliennes et interdit au reste de la population de Gaza. même les résidents de Mawasi ne pouvaient se rendre sur la plage en contrebas, réservée aux seuls colons. le retrait israélien de 2005 laisse de vastes espaces inoccupés, une « zone verte » où les envahisseurs décident , deux décennies plus tard, de refouler les habitants des centres urbains à nettoyer. Dans ce déversoir de population en détresse, extensible et réductible au fil des hostilités, la densité dépasse les 30.000 personnes au kilomètre carré.

Entre Mai et Novembre 2024, Israël bombarde cette zone à une soixantaine de reprise, affirmant chaque fois viser des cibles « terroristes ».

NOËL

Durant la nuit du 24 au 25 Décembre 2024, le littoral de la « zone humanitaire » est battu par les vents. même si la température ne tombe pas sous les neuf degrés, le froid est mordant sous la tente que Mahmoud Al-Faseeh a planté à même la plage. C’est une nouvelle étape dans l’errance de la famille, déjà déplacée une dizaine de fois au sein de l’agglomération de Gaza, avant de fuir vers Rafah, puis d’en être chassée vers Mawassi. Mahmoud et son épouse, Nariman, maudissent la misère qui leur interdit d’acheter de quoi protéger leurs enfants contre les bourrasques et couvrir le sable humide.

LES HÔPITAUX

Le 29 Décembre 2024, deux hôpitaux de la ville de Gaza, l’hôpital Al-Wafaa, certes désaffecté, mais en voie de réhabilitation, et l’hôpital Al-Ahli, dit Baptiste, subissent des bombardements de leurs étages supérieurs, avec sept tués à Al-Wafaa. Le lendemain, l’OMS organise l’évacuation, depuis l’hôpital indonésien, de dix patients en état grave. Mais une vingtaine de militaires israéliens interceptent le convoi et s’emparent de quatre malades, dont un hémiplégique jeté dans un blindé. /////// A l’hôpital Al-Awda, à Jabalya, nord de la bande de Gaza, encerclé par l’armée israéliennne à l’automne 2023. Le 21 novembre un tir d’artillerie y tue 4 personnes, dont 3 médecins, et en blesse 3, dont 2 infirmiers. Le 7 Décembre, un infirmier est tué d’une balle dans la poitrine. Le 9 et le 21 Décembre, un membre du personnel est à chaque fois tué d’une balle dans la tête. Le 6 et 8 Décembre, deux femmes enceintes sont successivement abattues, à une vingtaine de mètres de l’hôpital, alors qu’elles tentaient de l’atteindre pour y accoucher.

SAMSON

Gaza ne s’est pas juste effondrée sur les femmes, les hommes et les enfants de Gaza. Gaza s’est effondrée sur les normes d’un droit international patiemment bâti pour conjurer la répétition des barbaries de la Seconde Guerre mondiale. Gaza s’est effondrée sur les codes d’une diplomatie qui avait ses règles et ses faiblesses, mais qui tendait à pacifier les contentieux plutôt qu’à les exacerber. Gaza est désormais livrée aux apprentis sorciers du transactionnel, aux artilleurs de l’intelligence artificielle et aux charognards de la détresse humaine. Et Gaza nous laisse entrevoir l’abjection d’un monde qui serait abandonné aux Trump et aux Netanyahou, aux Poutine et aux Hamas, un monde dont l’abandon de Gaza accélère l’avènement.  »


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