Roman/ Poème d’ERIC FOTTORINO
Editions Gallimard.

Folio. 9 euros
Broché. 21 euros
« Maman voulait t’appeler Marie. Je te donne Harissa«
Remonter le fil, remonter le temps, retrouver ce qui aurait dû être, ce qui ne fut pas…. Et puis, reconstruire, envers et contre tous.
Eric Fottorino est un coureur de fonds. Sans perdre haleine, mais en perdant magnifiquement pied, il arpente depuis plusieurs livres son histoire familiale. Et elle n’a rien de banal.
Le voici, toujours ému, inquiet, surpris, devant cette jeune mère qu’il a dépeinte « célibataire », dans « Dix sept ans ». Le voici, qu’il lui offre par la grâce de son écriture et par sa ténacité de « fils enquêteur », la fille , la soeur, que des religieuses ont arrachée, il y a de cela soixante ans et des poussières.
Des poussières, justement. Celles qui s’amoncellent sur les années, sur les non-dits, sur les indicibles douleurs, sur tous ces matins du monde qui ne reviendront jamais. Poussières.
L’histoire? Cruauté est son nom. Une jeune maman, celle de l’écrivain, déjà « coupable » d’être fille-mère à une époque pas si différente de la nôtre et dans une ville bourgeoise, Bordeaux, cette jeune maman donc, a le mauvais goût de se retrouver à nouveau enceinte. Le papa? Envolé, escamoté, d’ailleurs a-t-il jamais existé? Et ce bébé, a-t-i jamais existé lui aussi? Alors, sa mère, la grand-mère de notre écrivain, décide de la faire accoucher sous X. Non, ce bébé n’a jamais existé. A peine sorti du ventre maternel, on l’arrache et l’emporte. Chuchotements et bénédictions.
La maman se tait. Pendant des années, pendant une vie. Et puis un jour, elle parle. Elle est déjà âgée. Devant ses fils médusés, elle a cette phrase « J’ai eu une fille, on me l’a enlevée ».
Dire qu’un tsunami soulève ses fils est peu dire. C’était donc « ELLE » la grande absente, c’était bien elle, cette tristesse, c’était encore et toujours elle, cette solitude, ces chagrins, cette peur tapie au creux du ventre, ce vide, qu’il ressentait , sans les comprendre. C’était son absence. Mais comment nommer ce que toute une société s’acharne à vous masquer? Soudain, il comprend aussi les accès de désespoir, la noirceur, parfois, de cette maman si imprévisible.
Acte de naissance. Acte d’abandon. L’infamie a eu lieu au sein d’une institution religieuse qui depuis a déménagé sans laisser d’adresse.
Eric Fottorino se tient sur le fil ténu de son regard tolérant envers cette grand-mère qui, au nom de la bienséance, décida de fausser l’histoire familiale, et sur son profond sentiment d’injustice, de scandale. La réparation est-elle envisageable?
Il va entreprendre une enquête qu’il poursuivra inlassablement… Il faut retrouver cette soeur, cette enfant… Qui aujourd’hui est une adulte.
L’écrivain va tendre les fils là où une main indifférente les as coupés, là où la société a souhaité faire disparaître, escamoter ce qui constitue une histoire, une famille.
Sur un quai de gare…..
Il a ce courage. Rendre vivante celle qui ne l’était pas.
Quand il entend sa voix, pour la première fois, au téléphone, il entend la voix de sa mère. Je parie qu’il tremble. Il entend cette soeur qui l’attendait, cette soeur devenue elle aussi infirmière de nuit…. Comme leur mère. Personne, rien, ne peut détruire ces liens-là. Pas même la poussière.
Il faut alors renoncer à blesser des coeurs déjà endoloris, en invoquant ce qui aurait dû être et ne sera jamais, et embrasser avec toute son âme, ce qui est à vivre.
Trois personnes se retrouvent un matin sur un quai de gare.
« Ensemble est un mot qui tremble » écrit Eric Fottorino.
La physique quantique nous enseigne que la vie est énergie.
« Mon enfant, ma soeur » vibre de cette énergie pure, indestructible.
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